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Carnet de vie de Flash.

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04052024

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Carnet de vie de Flash. Empty Carnet de vie de Flash.




« Regarde ton chien dans les yeux et tu ne pourras pas affirmer qu’il n’a pas d’âme ». Victor Hugo
 
« Les chiens sont notre lien avec le paradis. Ils ne connaissent pas le mal, la jalousie ou le mécontentement. S’asseoir avec un chien sur une colline par un après-midi radieux, c’est se retrouver au paradis, où ne rien faire n’était pas ennuyeux – c’était la paix ». Milan Kundera
 
Flash n’est plus. Il est parti un dimanche en fin d’après-midi, en douceur, accompagné par un vétérinaire à la bienveillance naturelle. Arrivé au terme de sa vie, épuisé, fatigué, chancelant, il a fourni l’ultime effort de se présenter à ce dernier rendez-vous, avec une grande dignité. J’imagine qu’il savait que c’était l’heure de nous quitter, à contre-cœur, bien sûr. Il n’a pas cherché à rebrousser chemin. Il a marché tranquillement, comme d’habitude. Rien de signifiant n’avait changé. Il a même eu cette délicatesse de vouloir faire ses besoins dehors avant d’aborder la clinique vétérinaire. Jusqu’au bout, il aura été acteur de son départ.  Et en aucune manière ça ne ressemblait à de la résignation. C’était juste le moment, le terminus. Il y a la naissance puis à l’autre bout, il y a la mort, qui boucle une vie, comme pour les humains. Nous, nous savons et anticipons quand nous le pouvons ; eux le ressentent et font confiance aux humains, en particulier à leurs proches. L’affection les anime jusqu’à la fin. Ne pas les abandonner à ce moment-là, rester à leur côté, offrir ce geste comme un remerciement reconnaissant à ce qu’ils ont été. Sans doute, ici dans cette salle proprette mais sans véritable âme, était-ce pour lui, pour nous, un déchirement intérieur, peut-être était-ce même une forme de soulagement espéré, voire inconsciemment, attendu. Probablement un peu des deux. Mais possiblement aussi, une forme douloureuse de délivrance.  Quoi qu’il en soit, il a semblé accepter le destin du jour. Il s’est couché de lui-même sur la table, sur le flanc droit, quasiment d’un bloc ; sa respiration était calme, apaisée ; il était prêt pour la sédation profonde. Il est désormais seulement à quelque minute de Jaeger, son compagnon de toujours, parti prématurément, il y a quelque temps, déjà. Et pour nous, debout près de lui, il restera le souvenir à l’élongation inatteignable.  Le temps s’écoule, interminablement long. À la seconde où son dernier souffle figeait les ailes de son nez, un désert immense m'envahissait. Mes caresses redoublaient, dorénavant inutiles. Un mélange de solitude sans fin, suivie d’un grand froid puis d’un chaud incommode, me parcourait de frissons désagréables, et me voilà perdu dans ce silence abyssal qui s’installe. Les larmes n’y changeront rien. L’absence commence. Elle va durer longtemps. Je suis groggy et n’ai plus de mot. Comme il est difficile de dire au revoir définitivement.

Flash a donc rejoint son petit frère de cœur, Jaeger, un whippet. Les deux compères s’aimaient d’amitiés ! Il y avait un grand respect de l’un envers l’autre. Ça va être la ribouldingue des retrouvailles au milieu des étoiles. Ils ont fait tant de choses ensemble. Sobacha (whippet), le récent compagnon de Flash, se sent bien seul. Il cherche où il aurait pu se cacher, à la maison où dans le jardin, et au passage, nous interroge, le regard insistant, un peu désarçonné. L’inquiétude manifestement l’habite pour le moment. On ne peut que le soulager, le rassurer en étant plus attentif qu’à l’accoutumée. Prendre soin de lui modestement, comme un gage de sollicitude. Il gémit de temps en temps. Il attend son alter ego. Le temps fera le reste !

Braque des Pyrénées de treize ans et demi, Flash aura été un modèle de sociabilité, d’intelligence et d’affection. C’était un compagnon hors pair. Toujours vigilant aux changements, choses incongrues, aléas inattendus, il était un excellent gardien. Déterminé et dissuasif. Sa voix y suffisait, profonde et rauque. À l’extérieur, il avalait les kilomètres. Puissant, endurant et volontaire, j’étais aussi son binôme de sport. Il m’étonnait constamment, par sa régularité, son adaptation à tous milieux, sa capacité à s’orienter, une sorte de métronome indéréglable.  Il était mon complice et j’étais le sien. Qui des deux était porté par l’autre ? Je crois bien, que c’était le plus souvent moi ! Il y avait tellement d’obéissance innée chez lui, couplée à une volonté sans faille de bien faire. Il était fier de ce qu’il faisait et je ne pouvais qu’acquiescer à ce constat. C’était le régal de toutes les fins de semaines en forêt domaniale de Montauban-de-Bretagne sur des chemins et sentiers bordés de fougères luxuriantes, au cœur de longues futaies. Et pour varianter, nous allions quelquefois sur les chemins agricoles sillonnant le petit val au Bois jaune du domaine des Petites Sœurs des Pauvres. Lieu vallonné, à l’abri de la Tour Saint-Joseph, qui veille du haut de ces cinquante mètres sur le pays de la « bienheureuse » Jeanne Jugan (Sœur Marie de la Croix).

Cela fait bientôt quatre mois qu’il n’est plus, mais cette nuit, il est venu me rendre visite. Transporté par un cheval, sur un chemin escarpé, installé et tenu sur son dos avec mille précautions, entouré d’ombres silhouettées à l’allure humaine et flottante, oracles encapuchonnés et silencieux. Ils gravissent, à l’allure d’une procession, doucement, la pente jusqu’à moi. Flash est là, devant moi, je perçois immédiatement son regard pailleté d’or d’une infinie douceur, qui me bouleverse et je chavire. Réveil choc. Je le cherche à tâtons avec mes mains. Le toucher, le caresser. Encore une fois. Un instant seulement. Mais rien. C’était juste un message de là-haut. Une effraction céleste, momentanée. Un effet de la providence, un signe d’existence. Comment oublier hier Jaeger, aujourd’hui Flash. C’est tout simplement impossible. Dans la nuit, je distingue sa robe mouchetée de marron et blanc. Il court, son corps s’allonge avec ce mélange de puissance et d’élégance. Il tourne la tête pour s’assurer que je suis là. Après l’impatience du départ, il trouvait un rythme de croisière à l’endurance exceptionnelle.  Je faisais souvent l’éloge de son intelligence aiguisée. Il possédait un savoir-être, à l’instar de son flair, formidable. Il comprenait tout ou presque avec peu de choses. Il observait et traduisait avec pertinence. Il avait un comportement qui confinait à la finesse d’un ambassadeur pour négocier quelque chose qu’il voulait absolument (une place, un gros câlin, une sortie, une caresse, une gourmandise et tant d’autres choses). Tout se faisait en douceur, jamais en force. Il était d’une patience légendaire. Il n’oubliait rien, de ce qui se faisait ou non, et également, de ce qu’il désirait. Il avait pour lui le temps et la pugnacité. Il arrivait toujours à ses fins. Et quelquefois, très rarement, il montrait des signes d’agacement, quand il ne pouvait obtenir satisfaction. Alors, par dépit, il défaisait son panier, nous toisait et se couchait avant de vider ses poumons bruyamment. L’affaire était close. Et l’on souriait de ce mimétisme « humain » ! Quel tempérament et quel caractère. Jamais rancunier. Une pâte de chien.

Il adorait gambader et parfois, il adoptait des postures improbables (comme désarticulé et dégingandé, et ses douces et grandes oreilles de velours battaient la chamade). Il aimait tant la vie. Il nous aimait. Les enfants, il les choyait précautionneusement. Il aimait se rouler dans la pelouse, éventuellement y chercher des croquettes dispersées, y cueillir des framboises. À la maison, son péché mignon était de quémander des feuilles de salade, des morceaux de carottes et des petits pains grillés. Ses peurs : de manquer de nourriture (ses frères et sœurs ne le laissaient pas s’alimenter correctement. C’est sa mère qui devait user d’autorité) ; le climat orageux l’indisposait et aux premiers éclairs et grondements de tonnerre, il se réfugiait près de nous. Dans ces instants, il redevenait un chiot qui inclinait à la tendresse complice ; dans la même veine, il détestait les coups de feu des chasseurs !  Être vivant, sensible et bon, qui de temps à autre pouvait pigner à bon escient, notamment quand il exprimait toute sa joie au retour de pension, dans sa maison, mais il était surtout et avant tout, ce qui valorise une vie, un compagnon d’une extrême gentillesse à la présence sûre et partagée avec bonheur.

Flash a eu le destin d’un « remplaçant » et « d’un guide ». Remplaçant, suite au vide laissé par la disparition d’Isatis, le premier whippet. Guide, pour les deux whippets qui allaient suivre et intégrer la « fratrie ».  Il a été le trait en pointillé de la lignée whippet. La parenthèse incontournable et le lien privilégié entre eux et lui et aussi nous. Il a su prendre toute sa place dans nos vies et dans nos cœurs. Il a inscrit « sa patte » en lettre d’or, pour l’éternité. Éducateur précieux de Jaeger et Sobacha, compagnon inconditionnel des deux, il demeurera dans nos mémoires comme un passeur de coexistence prodigieux. Tout dans son regard reflétait la bonté. Je suis plein de gratitude pour ce qu’il a été et tout ce qu’il a fait avec autant de désintéressement. Quelle leçon de vie !
Carnet de vie de Flash. Flash10
Flash du domaine de Saint-Louis
né le 16 juin 2010 à Lanfains (Côtes-d’Armor)
décédé le 21 janvier 2024 à Dole (Jura)
Seawulf
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